Maira Shahbaz n’était qu’une petite fille quand, en avril, elle a été kidnappée sous la menace d’un fusil, brutalement violée devant une caméra, finalement forcée d’abjurer la foi chrétienne et de contracter un mariage fictif. Elle vit maintenant cachée par peur des tortionnaires, après s’être échappée de sa captivité. Son histoire est peu connue. Personne n’en a entendu parler le 25 novembre, Journée internationale contre la violence à l’égard des femmes. C’est pourtant une histoire qui illustre combien il est difficile de naître femme et chrétienne dans un contexte comme celui du Pakistan, où, en 2018, dans la seule province du Sind, il y a eu un millier de cas de conversions forcées à l’islam de jeunes filles et de jeunes femmes chrétiennes et hindoues.
309 arrestations par mois
Ce fait alarmant est rapporté dans le rapport sur les chrétiens injustement détenus pour leur foi . Libérez vos prisonniers, réalisée par la Fondation de droit pontifical Aide à l’Eglise en détresse (AED). De la Chine au Nigeria, en passant par l’Erythrée et le Pakistan, la géographie de la persécution des chrétiens est vaste et effrayante. “Chaque mois, dans les 50 pays les plus menacés, 309 chrétiens en moyenne sont injustement emprisonnés, et selon les calculs d’Open Doors, 1 052 chrétiens ont été kidnappés en 2019″, peut-on lire dans le document de l’AEC. Et si l’Occident est ému et bouleversé par le sort des animaux, par exemple pour les mauvais traitements subis par un cochon, il reste ignorant face aux chiffres qui parlent du harcèlement atrocecontre les chrétiens qui se développent comme une pandémie. “La souffrance silencieuse des persécutés, l’angoisse des parents, des amis et de la famille expliquent pourquoi la détention injuste est l’outil préféré des oppresseurs”, note l’AED.
La Chine, un cauchemar
Un pays qui a une sinistre familiarité avec cet instrument est la Chine. C’est ici que, selon les rapports cités par l’AED, “entre novembre 2018 et le 31 octobre 2019” “1 147 chrétiens ont été emprisonnés sans charge en raison de leur foi. Cela représenterait 30 % des fidèles injustement détenus dans le monde. “L’augmentation par rapport à l’année précédente a été de 561 unités et s’inscrit dans le contexte d’un durcissement marqué du traitement des chrétiens par le gouvernement, avec démolition d’églises, destruction de croix et autres symboles religieux ainsi que l’ingérence de l’État dans presque tous les aspects de la vie de l’Église, de la nomination des évêques aux initiatives caritatives chrétiennes. Mais ce sont aussi les représentants des autres religions qui souffrent. L’esprit se tourne vers la communauté musulmane ouïgoure, dont Le pape François s’est récemment occupé, suscitant la colère de Pékin : des Ouïgours injustement détenus dans des camps pour “rééducation” qui, selon les chercheurs indépendants les plus récents, pourrait être trois millions, soit trois fois le chiffre qui est habituellement donné dans les documents internationaux.
23 ans de prison sans inculpation
En Corée du Nord voisine, en revanche, les chrétiens, environ 50 000, représentent la moitié des prisonniers dans les camps de travail, où ils “font face à des conditions de vie terribles” et sont employés pour effectuer des tâches “pour l’avancement des programmes nucléaires et balistiques du régime”.
De l’Extrême-Orient à l’Afrique subsaharienne, le Nigeria est souvent identifié comme le pays où l’enlèvement de chrétiens est le plus grave au monde. Chaque année, note Portes Ouvertes, 22 chrétiens sont kidnappés et injustement emprisonnés par des milices djihadistes. Des détentions qui peuvent parfois devenir infinies : en Érythrée, où des rapports indiquent que plus d’un millier de chrétiens seraient détenus, on rapporte que certains sont même restés derrière les barreaux, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux, pendant 23 ans.
L’impact du Covid-19
Qui sait combien de temps encore durera l’urgence du Covid-19, qui a provoqué une aggravation de la situation des chrétiens. Trois raisons sont indiquées par l’AED, qui varient en fonction du contexte géopolitique : la fermeture partielle ou totale des tribunaux qui a généré des retards pour les prisonniers en attente de recours ; l’augmentation de la surveillance et de la répression des régimes grâce au transfert de nombreuses activités religieuses sur le web ; l’affaiblissement des gouvernements engagés à faire face à la virus qui a facilité les groupes violents dans leurs activités d’agression contre les communautés chrétiennes.
“Il est temps que les gouvernements agissent”
En conclusion, le rapport de l’AED exhorte la communauté internationale à reconnaître la haine religieuse comme explication du phénomène de la détention injuste. “Si elle n’est pas ouvertement reconnue, toutes ces minorités religieuses seront de plus en plus menacées”, dit-elle. Touchant l’introduction confiée à Asia Bibi.Une mère chrétienne pakistanaise condamnée pour blasphème et emprisonnée pendant 3 421 jours : “Une caractéristique commune des personnes mentionnées est la contrainte à la souffrance silencieuse. Il est temps pour le monde d’écouter leurs histoires ; il est temps de dire la vérité aux personnes au pouvoir afin que ceux qui, défiant la loi, détiennent des innocents soient enfin considérés comme responsables de leurs actes. Il est temps pour les gouvernements d’agir. Il est temps de manifester pour la défense de nos communautés de fidèles, de vulnérables, de pauvres et de persécutés.
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