La Chine est également beaucoup trop proche sur le front des prélèvements d’organes. Là-bas, des personnes sont condamnées à mort pour des délits d'”opinion”, certaines d’entre elles étant encore en vie, alimentant ainsi un immense et infâme marché noir ; en Occident, au contraire, les victimes ne sont pas abattues, mais euthanasiées.
La triste avant-garde, pour changer, revient au Canada, à la Belgique et aux Pays-Bas. Au point qu’aujourd’hui, dans la communauté médico-scientifique, le débat ne porte plus sur la légalité ou non de tuer un patient, mais sur le protocole idéal d’euthanasie : à l’hôpital ou à domicile ? De toute évidence, le scrupule moral ne concerne pas l’homme mourant, mais l’aptitude des organes à être prélevés.
Il y a quelque temps, la revue JAMASurgery s’est prononcée sans ambages en faveur de l’euthanasie à domicile. “Affirmer que l’euthanasie doit avoir lieu à l’hôpital, affirme l’article, ne tient pas compte des souhaits les plus profonds de ces donneurs : des êtres humains malades, fatigués de l’hôpital, qui ont décidé de mettre fin à leur douleur dans le confort et l’intimité de leur propre maison.” À l’inverse, “préconiser la nécessité d’un séjour à l’hôpital rebutera de nombreux donateurs potentiels”.
En outre, selon la revue scientifique, il est erroné “d’opposer les intérêts des patients transplantés à ceux des donneurs d’euthanasie et vice versa.” En définitive, ajoute l’article, “nos patients méritent mieux”.
La procédure “mixte” mentionnée par le JAMASurgery consiste en une sédation à domicile, de sorte que le patient perd conscience de lui-même, mais que ses fonctions vitales ne sont pas affectées. Ce n’est qu’après le transport à l’hôpital que l’induction du coma et le début de la phase agonique se produisent. Une fois emmenés à l’hôpital, les patients destinés à l’euthanasie sont traités à l’héparine, qui permet de maintenir leurs organes viables. Puis ils reçoivent un cocktail de médicaments qui les aideront à mourir. En Belgique, cette procédure est suivie par trois médecins indépendants, qui déclarent ensuite le décès selon des critères cardiorespiratoires.
Dans ce pays d’Europe du Nord ainsi qu’aux Pays-Bas, le scénario est encore compliqué par le fait que l’euthanasie est également autorisée pour les personnes souffrant de maladies mentales (lire dépression).
La même possibilité sera désormais prévue au Canada, où, par ailleurs, il y a quelques années, le débat s’est enflammé sur la possibilité de prélever des organes avant et non après le dernier battement de cœur. Tuer une personne malade dans sa tête, mais pas dans son corps, peut devenir une incitation à la “bonne cause” du don d’organes. Avec toutes les spéculations qui peuvent en découler, sans négliger la distorsion de la fonction psychothérapeutique qui, au lieu de redonner au patient l’amour de la vie, pourrait être amenée à lui faire désirer la mort et peut-être à l’accompagner dans son passage.
Ce faisant, les mailles du filet de la licéité du meurtre sont élargies : il ne s’agit plus seulement de “cas extrêmes” de patients en phase terminale ou dans un état de souffrance extrême, mais aussi de “simples” détresses psychologiques, qui, en tant que telles, sont tout sauf irréversibles. Et derrière cela se cache une énième mystification sur laquelle l’attention est attirée depuis un certain temps : changer le nom des choses pour les faire digérer, les renommer pour les rendre culturellement, moralement et donc légalement acceptables, même les plus infâmes et aberrantes.
À ce stade, cependant, s’ouvre un dilemme qui divise les partisans de l’euthanasie : combien une personne qui n’est pas en phase terminale peut-elle réellement souffrir par rapport à une personne qui, depuis des mois, voire des années, subit des douleurs indicibles ? Jusqu’où vont les frontières de la “mort dans la dignité” ? Certains bioéthiciens pro-choix vont jusqu’à parler de “suicide rationnel”. Parmi ceux qui s’attardent sur le tournant moral du suicide assisté pour les malades mentaux, on trouve même l’ultra-eugéniste, le philosophe australien Peter Singer. “Il ne fait aucun doute que certains malades mentaux ne sont pas aidés par les traitements et souffrent énormément”, affirme Singer, qui en tire une conclusion : seul le patient peut estimer à quel point sa souffrance est “insupportable”. Cette affirmation est pour le moins ambiguë, puisqu’une personne psychologiquement fragile est, par définition, plus facilement conditionnée – et donc moins libre dans ses choix – qu’une personne en pleine possession de ses facultés.
La fenêtre d’Overton va donc de plus en plus loin et détermine de nouveaux doutes parmi les partisans de l’euthanasie, de plus en plus divisés entre extrémistes et(sic) “modérés”. Un pro-life, à cet égard, n’est pas en proie aux mêmes doutes : l’option pour la vie simplifie tout raisonnement, n’impliquant qu’un réel effort de “bons arguments”. Se creuser les méninges pour savoir s’il faut ou non supprimer un malade mental est, en somme, un effort inutile. Opter pour la vie de quelqu’un est toujours payant. Aussi parce que la seule véritable façon de soulager la souffrance est de l’accepter.
Discussion à ce sujet post