Utérus artificiel : vivons-nous déjà dans une dystopie ?

L'UE finance un projet apparemment noble, mais qui peut aussi servir à engendrer des enfants sans relations sexuelles

Capture d'écran de YouTube - L'utérus artificiel par Hashim Al-Gaili

Capture d'écran de YouTube - L'utérus artificiel par Hashim Al-Gaili

L’année en cours risque fort de devenir l’année où les prophéties dystopiques des grands auteurs du siècle dernier pourraient se réaliser. Il y a beaucoup de George Orwell (1903-1950) dans l’avènement de la “novlangue”, de la censure systématique et de Big Brother qui nous espionne même à l’intérieur de nos maisons, et il y a aussi du Isaac Asimov (1920-1992) dans la distanciation physique entre les gens. Mais il y a aussi la composante transhumaniste d’Aldous Huxley (1894-1963), qui, dans Le meilleur des mondes nous dit que les enfants naissent artificiellement, au moyen de tubes à essai et d’utérus artificiels.

“Par-tu-ri-ente”

La même chose se produit dans le roman écrit dans les années 1930, et elle se profile également aujourd’hui en 2020. Le nom est évocateur : “Par-tu-ri-ente”. Ce n’est pas un mot en dialecte lombard, mais un programme qui prévoit le développement de l’embryon et le soin du fœtus à l’intérieur d’une sorte de nacelle technologique dotée de tout le confort. Adieu la conception et la grossesse dans l’utérus, tout se passe dans un espace artificiel, comme si on faisait pousser une plante pour orner la maison. Et adieu maman et papa, car “avoir” un bébé ne nécessitera plus un rapport sexuel entre un homme et une femme, mais une grosse somme d’argent à investir dans le nouveau dispositif technologique.

Le projet

L’idée a été lancée par un groupe d’étudiants de l’Institut des Arts d’Arnhem, aux Pays-Bas. Le site est déjà en ligne et les objectifs du projet sont décrits sur la page principale : “Imaginez un avenir où les limites actuelles de la procréation n’existent plus, mais où la vie peut être créée et récoltée d’une nouvelle manière. Un avenir où la grossesse naturelle est remplacée par un utérus artificiel”. À l’arrière-plan de ces slogans à l’allure sinistre se trouve une image qui semble tout aussi incroyable : une femme le dos tourné, assise sur un canapé, regardant un enfant à naître couché dans ce “ventre artificiel” dans un coin de la maison.

L’emballage contient également quelques accessoires pour que la grossesse ressemble le plus possible à la grossesse naturelle : un microphone pour envoyer des messages et des sons au bébé depuis l’extérieur et un objet en plastique qui, lorsqu’il est allumé et tenu contre votre corps, reproduit les vibrations dues aux mouvements que le bébé fait à l’intérieur de son corps. pod 2.0.

L’Europe met de l’argent

Une blague ? Une provocation ? Nous l’espérons. Toutefois, le bilan n’est pas encourageant. Toujours aux Pays-Bas, les scientifiques de l’Université de Technologie d’Eindhoven travaillent depuis un certain temps sur un projet d’utérus artificiel, financé à hauteur de 3 millions d’euros par l’Union Européenne. L’objectif est noble : moderniser les incubateurs afin d’augmenter les chances de survie des bébés prématurés. L’un des problèmes des incubateurs réside en réalité dans le fait que les jeunes, s’ils naissent très tôt, ont des poumons, des intestins et d’autres organes insuffisamment développés, et qu’il est donc difficile de fournir de l’oxygène et des nutriments à ces prématurés.

Ainsi, les scientifiques d’Eindhoven créent un véritable utérus high-tech dans lequel le bébé est immergé dans un liquide, puis nourri et oxygéné par le cordon ombilical. “La machine”, dit-il, “serait améliorée avec des capteurs qui peuvent simuler à 100 % l’expérience à l’intérieur du vrai ventre de la mère, y compris le son des battements de son cœur.”

Au revoir le sexe

Il suffit d’un petit pas pour passer d’un objectif noble et sélectif au Brave New World. Le scientifique Hank Greely, expert en génétique et en neurosciences à l’Université de Stanford en Californie, a affirmé dès 2017 que dans vingt à trente ans, le sexe ne sera plus nécessaire pour faire des bébés. Pour Greely, les couples (ou même les célibataires et des groupes de personnes, pourquoi pas ?) se limiteront à choisir l’embryon à naître parmi ceux créés dans des tubes à essai, en fonction de leur ADN. Le scientifique pense que de cette façon, il sera possible d’éradiquer les maladies et malformations génétiques. Ce sera la légitimation définitive de l’eugénisme ; elle permettra également de choisir les caractéristiques physiques d’un enfant : taille, couleur des yeux et des cheveux et, qui sait, peut-être même la capacité intellectuelle de l’enfant à naître. Elle permettrait de réaliser des économies considérables pour la santé publique, se réjouit Greely. Tout est à prouver. Ce qui est certain, c’est que ce sera un plongeon dans la dystopie.

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