Mineurs et pornographie : une décision scandaleuse de la Cour Suprême d’Italie

Le récent arrêt dépénalise le fait de filmer des actes sexuels entre adultes et jeunes de moins de 18 ans. La députée italienne Maria Spena a établi un lien entre l'augmentation de près de 80 % de ces crimes et le confinement des mineurs en raison de la pandémie, et affirme que "ce n'est pas le moment de baisser la garde".

L’ arrêt des Sections Conjointes de la Cour Suprême rendu le 28 octobre a fait du bruit, mais pas assez. En résumé, l’organe suprême du pouvoir judiciaire italien, qui dicte les principes de droit que tous les juges doivent appliquer, a décidé que les relations sexuelles entre un adulte et un mineur, si les deux sont consentants, peuvent être filmées et photographiées pour autant que les vidéos et les images ne soient pas divulguées par la suite. Certains (mais comme je l’ai déjà dit, pas assez), ont exprimé leur inquiétude. Parmi eux, Maria Spena, députée de Forza Italia et professeur de disciplines juridico-économiques, qui s’est entretenue avec iFamNews.

Madame Spena, comment évaluez-vous la décision des Sections Conjointes de la Cour Suprême ?
J’ai l’habitude de respecter les jugements et je le ferai aussi dans ce cas, mais je ne peux pas cacher le fait que j’ai quelques inquiétudes. Nous savons que l’Article 600, paragraphe 1 du Code pénal prévoit une peine de prison de 6 à 12 ans et une amende de 24 000 à 240 000 euros pour ceux qui – je cite – “utilisent des mineurs de moins de dix-huit ans pour des expositions ou des spectacles pornographiques, ou pour produire du matériel pornographique”. Je pense qu’avec cette décision, le législateur a également ressenti le besoin de protéger les mineurs des pièges du web et des nouvelles technologies en termes de facilité de sollicitation et de diffusion de matériel. Le nouvel arrêt stipule que le fait de filmer un acte sexuel entre un adulte et un mineur doit être considéré comme légal pour autant que le libre choix de ce dernier et l’utilisation du matériel filmé soient “exclusifs aux participants à l’acte”. Tout cela est très bien, mais je suis préoccupé par l’idée qu’elle puisse être contournée étant donné la facilité et l’immédiateté des échanges de contenu sur le web et les applications.

La nouvelle a été peu médiatisée : comment l’expliquez-vous ?
Au-delà de l’écho de l’arrêt des Sections Conjointes en tant que tel, je pense qu’il est plus utile de mettre en évidence la manière dont la lutte contre la pédopornographie fait de moins en moins parler d’elle, alors que le phénomène est loin d’être en recul : les données de la Police des Postes et Communications (une unité de la police nationale italienne chargée des enquêtes sur la cybercriminalité) indiquent qu’en 2020, les crimes en ligne au détriment des enfants et des jeunes ont augmenté de près de 80 %, et au cours des quatre premiers mois de 2021, cette tendance s’est confirmée avec une augmentation de 70 %. La pandémie a également rendu les mineurs plus vulnérables et le grooming en ligne plus facile, étant donné le temps accru passé à la maison. Ce n’est pas le moment de baisser la garde en matière de lutte contre la pédopornographie, mais plutôt de la relever encore plus haut, car nos enfants n’ont jamais été aussi exposés aux risques qu’aujourd’hui.

Que peut-on faire pour enrayer ces phénomènes ?
Je me souviens avec fierté du fait que la pornographie de vengeance (“revenge porn”) est désormais un délit en Italie, et ceci uniquement grâce à Forza Italia qui s’est battue avec acharnement au Parlement pour qu’elle soit incluse dans le texte du Code Rouge (une loi italienne qui protège les femmes et les sujets vulnérables contre la violence). Grâce à cette loi, toute personne qui envoie aujourd’hui des photos ou des vidéos à contenu sexuellement explicite sans le consentement de la personne concernée risque de 1 à 6 ans de prison et une amende de 5 000 à 15 000 euros. La peine est aggravée si l’infraction est commise par un conjoint, même séparé, et si la personne offensée est enceinte ou en état d’infériorité physique ou mentale. À cet égard, il convient de mentionner une innovation récente du soi-disant Décret sur la Capacité et la Confidentialité.; une disposition du Code de Confidentialité soulignant que même les mineurs de plus de quatorze ans – ou leurs familles – peuvent s’adresser au Garant pour la protection des données personnelles et pour signaler la diffusion de leurs images sexuellement explicites sans leur consentement.

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