L’OIF défend la liberté religieuse aux Nations Unies

La liberté de religion est aussi importante pour les sociétés que pour les individus.

En réponse à l’appel de l’ONU à contribuer à un rapport à soumettre au Conseil des droits de l’homme concernant le droit à la liberté de religion vis-à-vis des droits dits SOGI (orientation sexuelle et identité de genre), l’OIF a soumis le document suivant, qui a également été fourni à toutes les missions de l’ONU à New York.

International Organization for the Family

(Centre Howard pour la famille, la religion et la société)

15 janvier 2023

Réponse à la “Appel à contribution pour un rapport thématique” qui sera présenté lors de la conférence 53rd session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies en juin 2023 par “l’expert indépendant des Nations unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (IE SOGI), explorant le droit à la liberté de religion ou de conviction (FoRB) en relation avec l’orientation sexuelle et l’identité de genre (SOGI)”.

Dans son appel à contribution pour alimenter le rapport thématique au Conseil des droits de l’homme, l’expert indépendant (IE) de l’ONU a déclaré,

Le rapport formulera des recommandations à l’intention des États et des autres parties prenantes concernées afin qu’ils s’acquittent pleinement des obligations qui leur incombent en vertu du droit international des droits de l’homme, à savoir protéger les personnes LGBT+ et leur donner les moyens de rechercher le bonheur, d’exercer et de jouir de tous leurs droits fondamentaux, et de choisir comment contribuer à la société sur un pied d’égalité avec tout un chacun, notamment par une participation effective à la vie religieuse, culturelle, sociale et publique.

Si nous soutenons de tout cœur les droits de toutes les personnes LGBT+, nous pensons que la protection de ces droits commence nécessairement par la détermination de leur nature et de leur portée, comme le suggère la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont l’influence fondatrice sur les droits de l’homme est sans précédent et inégalée.

Bien qu’elle ne soit pas un document juridique contraignant, la Déclaration est largement considérée comme ce qu’Eleanor Roosevelt espérait qu’elle devienne : “la Grande Charte internationale de tous les hommes du monde entier”.[1] Elle a récemment été qualifiée d'”étoile directrice morale”.[2] par le professeur Hans Ingvar Roth, tandis que le professeur Mary Ann Glendon a souligné que “les avancées les plus impressionnantes en matière de droits de l’homme doivent davantage au phare moral de la Déclaration qu’aux nombreux pactes et traités qui sont aujourd’hui en vigueur”.[3]

La DUDH est d’ailleurs qualifiée d'”universelle”, car elle inclut expressément dans son champ d’application “tous les membres de la famille humaine” (Préambule), “tous les êtres humains” (Article 1), et “toute personne” (Articles 2, 3, 6, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29). Le libellé de l’article 2 est particulièrement remarquable : “Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation” (c’est nous qui soulignons).

Ainsi, selon la DUDH, les droits des personnes LGBT+ ne découlent pas de leur statut de LGBT+ mais plutôt de leur statut de membre de la famille humaine. Supposer le contraire en accordant des droits spéciaux, voire supérieurs, aux personnes LGBT+ par rapport au reste de l’humanité – comme les questions de l’IE (auxquelles nous répondons dans l’ensemble) semblent le présupposer ou l’impliquer – revient à déformer la délicate structure des droits de l’homme si laborieusement créée par les rédacteurs de la DUDH et à empiéter sur les droits légitimes d’autrui, comme le prévient la Déclaration de 2020. Rapport de la Commission sur les droits inaliénables. Faisant référence, entre autres, aux “nombreuses agences des Nations unies” et aux “systèmes régionaux des droits de l’homme”, le rapport déclare,

Il y a de bonnes raisons de craindre que l’expansion prodigieuse des droits de l’homme n’ait affaibli plutôt que renforcé les revendications des droits de l’homme et rendu les plus défavorisés plus vulnérables. Plus de droits n’entraîne pas toujours plus de justice. Transformer chaque préférence politique valable en une revendication des droits de l’homme dilue inévitablement l’autorité des droits de l’homme…..

La DUDH a été délibérément limitée à un petit ensemble de droits sur lesquels un consensus quasi-universel était perçu. Le fait est que le pouvoir de l’idée universelle des droits de l’homme est le plus fort lorsqu’il est fondé sur des principes si largement acceptés qu’ils ne peuvent faire l’objet d’un débat légitime ; il est le plus faible lorsqu’il est utilisé dans des conflits entre des groupes concurrents de la société sur des priorités politiques. Il est généralement préférable de laisser ces différends politiques être résolus par les processus démocratiques ordinaires de négociation, d’éducation, de persuasion, de compromis et de vote. La tendance à mener des batailles politiques avec le vocabulaire des droits de l’homme risque d’étouffer le type de discussion robuste dont dépend une démocratie dynamique. Les efforts déployés pour mettre fin à un débat légitime en faisant passer des préférences politiques contestables pour des impératifs fixes et incontestables en matière de droits de l’homme encouragent l’intolérance, empêchent la réconciliation, dévalorisent les droits fondamentaux et nient les droits au nom des droits.[4]

Heureusement, il n’est pas nécessaire d’étendre les droits prévus par la DUDH pour protéger les personnes LGBT+ de la violence, puisqu’ils sont déjà inclus dans les dispositions solides qui s’appliquent à tous les individus : “Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne” (article 3) et “Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants” (article 5). La DUDH va même plus loin et proclame que “Tous les êtres humains… doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité” (article 1).

L’esprit de fraternité est un idéal élevé qui pourrait contribuer grandement à résoudre les divergences d’opinion entre des droits concurrents, mais à tout le moins, la DUDH envisage un équilibre entre des droits concurrents fondé sur le respect mutuel.

Dans l’exercice de ses droits et libertés, toute personne ne peut être soumise qu’aux limitations établies par la loi dans le seul but d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui et de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.

Parmi les droits énumérés dans la DUDH, le droit à la liberté de conscience et de religion se distingue par sa mention répétée : “Les êtres humains jouissent de la liberté de parole et de croyance” (préambule) ; “Tous les êtres humains sont… doués de raison et de conscience” (article 1) ; “Toute personne a droit à la liberté d’opinion et d’expression” (article 19) ; et, de façon plus descriptive, “Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites” (article 18).

Les Nations unies ont ensuite décidé que l’article 18 était d’une importance telle qu’il constituait une obligation conventionnelle. L’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 est très proche de la DUDH :

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.

2. Nul ne peut être soumis à une contrainte qui porterait atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix.

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.

Des échos de cette obligation résonnent dans d’autres documents des Nations unies, notamment la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de 1993, paragraphe 22 (“reconnaissant que tout individu a droit à la liberté de pensée, de conscience, d’expression et de religion”) et le Rapport de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de 1995, paragraphe 24 (“La religion, la spiritualité et la croyance jouent un rôle central dans la vie de millions de femmes et d’hommes, dans leur façon de vivre et dans leurs aspirations pour l’avenir. Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion est inaliénable et doit être universellement exercé”).

La liberté de religion est aussi importante pour les sociétés que pour les individus, déclare le professeur Robert P. George, qui a présidé la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale.

[La liberté religieuse signifie que, en tant qu’individus et en tant que communauté, nous avons le droit de réfléchir aux origines, au sens et au but de la vie ; d’explorer les questions les plus profondes sur la nature, la dignité et la destinée de l’homme ; de décider ce qu’il faut croire et ne pas croire ; et, dans les limites de la justice pour tous, de nous conformer à ce que nous jugeons en conscience être nos obligations religieuses, et de le faire ouvertement, pacifiquement et sans crainte…..

La liberté de religion étant un élément central de la personnalité humaine, on peut s’attendre à ce que, dans les endroits où elle est déshonorée, les sociétés soient moins heureuses et moins sûres. Selon un nombre croissant d’études, c’est précisément le cas. Ces études montrent que les pays qui protègent la liberté religieuse sont plus sûrs et plus stables que ceux qui ne le font pas, et que les nations qui piétinent cette liberté constituent un terrain fertile pour la guerre et la pauvreté, la terreur et les mouvements radicaux. En d’autres termes, les abus de la liberté de religion non seulement violent le cœur de notre humanité, mais nuisent aussi gravement au bien-être des sociétés.

Ils le font de manière politique, car les atteintes à la liberté de religion sont fortement corrélées à l’absence de démocratie et à la présence d’autres atteintes aux droits de l’homme. Elles le font sur le plan économique, car la persécution religieuse déstabilise les communautés et marginalise les personnes persécutées, ce qui a pour effet de laisser leurs talents et leurs capacités inexploités, de priver une nation d’une productivité supplémentaire et de réduire la capacité de cette nation à lutter contre la pauvreté et à créer l’abondance pour ses citoyens. Ils le font moralement, car là où la liberté religieuse est déshonorée, le bénéfice de la religion dans la formation du caractère est diminué, et avec lui, l’autodiscipline nécessaire pour gérer les droits et les responsabilités de la citoyenneté. Et enfin, ils le font sur le plan social, car partout où la liberté religieuse est restreinte, la paix et la sécurité deviennent de plus en plus insaisissables.[5]

Étant donné le caractère indispensable de la liberté de religion pour une société florissante, est-ce une simple coïncidence que les fondateurs des États-Unis aient été unanimes pour faire de la liberté de religion la première des libertés ? Comme le souligne le professeur Douglas Laycock à propos du premier amendement de la Constitution des États-Unis, “les clauses relatives à la religion n’étaient pas un compromis entre des intérêts contradictoires, mais la demande unifiée des défenseurs les plus vigoureux de la liberté religieuse”[6].

Bien sûr, même la liberté religieuse n’est pas un droit absolu, car comme l’a noté le professeur Glendon en parlant de la DUDH, “les droits de chacun dépendent de manière importante du respect des droits d’autrui, de l’état de droit et d’une société civile saine”[7].

Dans l’intérêt du maintien d’une société civile saine et de la garantie des droits de chacun, nous demandons instamment que le droit à la liberté de religion reçoive le poids substantiel qui lui est dû dans la mise en balance avec d’autres droits, en particulier ces faux droits contre lesquels la Commission des droits inaliénables a mis en garde : “L’effort visant à fermer le débat légitime en reformulant des préférences politiques contestables en impératifs fixes et incontestables en matière de droits de l’homme favorise l’intolérance, empêche la réconciliation, dévalue les droits fondamentaux et nie les droits au nom des droits.”


[1] Déclaration à l’Assemblée générale des Nations Unies lors de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, 9 décembre 1948, disponible sur https://erpapers.columbian.gwu.edu/statement-united-nations-general-assembly-universal-declaration-human-rights-1948.

[2] Hans Ingvar Roth, P. C. Chang et la Déclaration universelle des droits de l’homme (Philadelphie : University of Pennsylvania Press, 2016), 135.

[3] Mary Ann Glendon, A World Made New : Eleanor Roosevelt et la Déclaration universelle des droits de l’homme (New York : Random House, 2001), 236.

[4] Rapport de la Commission sur les droits inaliénables, 39, 57. https://2017-2021.state.gov/wp-content/uploads/2020/08/Report-of-the-Commission-on-Unalienable-Rights.pdf. La Commission a été créée en 2019 par le secrétaire d’État américain Mike Pompeo ; voir https://2017-2021.state.gov/commission-on-unalienable-rights/index.html.

[5] Robert P. George, “Religious Freedom & Why It Matters”, https://www.touchstonemag.com/archives/article.php?id=27-03-022-f&readcode=&readtherest=true#therest.

[6 ] Douglas Laycock, Religious Liberty, 5 volumes, Emory University Studies in Law and Religion (Grand Rapids : Eerdmans, 2010), 1:689, extrait de Laycock “Continuity and Change in the Threat to Religious Liberty : The Reformation Era and the Late Twentieth Century “, 80 Minnesota Law Review 1047 et suivants. (1996).

[7] Mary Ann Glendon, A World Made New : Eleanor Roosevelt et la Déclaration universelle des droits de l’homme (New York : Random House, 2001), 239.

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