La Pologne est une fois de plus dans le collimateur de l’Union Européenne pour ses politiques pro-vie. Cette fois en compagnie de Malte. Le Forum Parlementaire Européen pour les Droits Sexuels et Reproductifs (EPF), qui regroupe une douzaine de pays membres du Parlement Européen, a publié ces dernières semaines le premier rapport sur le respect des droits reproductifs en Europe. Les paramètres de recherche comprennent l’accès aux fournitures contraceptives, aux conseils connexes et aux informations des gouvernements nationaux.
Dans le classement de l’ accès aux services de contraception, la Pologne arrive en dernière position, avec une couverture de 33,5%. En premier lieu, les pays d’Europe occidentale se confirment, enregistrant un écart de plus en plus fort avec l’ancienne zone communiste.
Les militants anti-vie jubilent. Mais pas trop
Saluant les conclusions du rapport, le secrétaire de l’EPF, Neil Datta, avance le théorème selon lequel une plus grande utilisation de la contraception entraînerait moins de grossesses non désirées, et donc moins d’avortements. “L’ Europe a des taux de prévalence de la contraception parmi les plus élevés et des taux d’avortement parmi les plus bas du monde”, indique M. Datta. “Mais ces progrès sont très inégaux, comme vous pouvez le voir, certains pays s’en sortent très bien et d’autres non.”
L’année dernière, le record d’utilisation de la contraception était détenu par la Belgique, qui conserve cette année la tête du classement, mais à égalité (91,1%) avec la France et le Royaume-Uni. Viennent ensuite le Luxembourg (85,2%), la Suède (82,9%), l’Estonie (81,6%), les Pays-Bas (81,1%) et l’Allemagne (75,1%). Parmi les pays qui mettent largement en œuvre ces services figure la France, où les femmes de moins de 25 ans bénéficient du remboursement intégral des contraceptifs. L’ Italie, souligne M. Datta, se débarrasse également de certaines “barrières administratives inutiles”.
Parmi les autres pays qui progressent rapidement sur la voie du contrôle des naissances, citons la Lituanie, qui met à la disposition des jeunes femmes une forme de contraception réversible à action prolongée, tandis qu’au Royaume-Uni, les pilules contraceptives ont été reclassées pour les rendre plus accessibles.
Inévitablement, la tirade de Neil Datta vise une série de pays d’Europe de l’Est qui “ont mal fait” et “continuent de mal faire” : il s’agit de la Slovaquie (49,7%), de la Grèce (49%), de la Croatie (44,3%), de la Hongrie (44,9%) et, bien sûr, de la Pologne. Ce dernier, en plus de confirmer sa position en bas de la liste, aurait des chiffres encore plus bas que l’année dernière : “Pire que ce que nous attendions”, déclare un Neil Datta découragé.
Pourtant, malgré la tendance galopante de la contraception en Europe occidentale, certains craignent que “ce qui se passe en Pologne pourrait se produire ailleurs.” C’est ce qu’affirme l’eurodéputée libérale française Irène Tolleret : “Ces choses arrivent à cause de politiciens populistes qui ont décidé de se maintenir au pouvoir en s’attaquant aux LGBT+ mais aussi aux droits des femmes, et en particulier aux droits sexuels et reproductifs.”
Il y a même ceux, comme Ilona Kikbusch, fondatrice du Global Health Center, qui craignent “des répercussions sur la santé des femmes” et une diminution de leurs droits, en raison de politiques perçues comme “autoritaires et religieuses”. L’ eurodéputée libérale néerlandaise Sophie In ‘t Veld place ses espoirs dans la présidence française du Conseil de l’Union Européenne pour répondre à la nécessité d’une “union de la santé” afin de ne pas laisser de prétendues “forces idéologiques” entraîner une diminution des services de contraception au niveau européen. Autant de positions qui semblent faire écho à ce qu’a déclaré en début d’année le président français Emmanuel Macron, qui plaide pour l’inclusion de l’avortement comme un droit fondamental.
Contre-tendance totale
La Pologne est en fait le pays européen où les services de contraception sont les moins répandus et où, par exemple, la pilule du lendemain n’est disponible que sur prescription médicale. Le score de 33,5 % montre une baisse de 1,6 point par rapport à l’enquête précédente.
Cette situation contraste avec la quasi-totalité du reste de l’Europe et s’accompagne de l’introduction d’une interdiction de l’avortement pour cause de malformation de l’enfant à naître : ce dernier type d’avortement couvrait auparavant 90% de tous les avortements légaux en Pologne.
Rappelons que, entre autres, le gouvernement conservateur polonais, dès son arrivée au pouvoir en 2015, a également réduit le financement public de l’insémination artificielle, promouvant plus tard, une loi scolaire qui évince l’éducation sexuelle, ainsi que les organisations idéologiques qui la promeuvent.
Le rôle joué par Malte dans le rapport se distingue pour différentes raisons. En fait, le petit archipel méditerranéen se classe dans la moyenne en ce qui concerne l’utilisation de la contraception (65,4 %). L’avortement reste toutefois illégal et cette condition a fait l’objet de pressions de la part du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, tandis que l’ONG “Abortion Support Network” affirme avoir aidé 269 femmes maltaises à rassembler des informations pour avorter à l’étranger.